Tsui Hark démontre qu’il est toujours capable de surprendre avec un polar en costume mâtiné de fantastique et ponctué de scènes d’action virtuoses.
Pour les aficionados comme aux novices curieux de ce que peut offrir aujourd’hui le cinéma d’action hongkongais quand il est inspiré, Detective Dee était le film d’aventures à ne manquer sous aucun prétexte.
Chef de file du renouveau du cinéma populaire hongkongais des années 90, Tsui Hark est l’auteur de la saga des Il était une fois en Chine, qui a élevé l’acteur et artiste martial Jet Li au rang d’icône de l’héroïsme chinois, mais aussi de quelques classiques tels que The Lovers, Le Festin Chinois ou encore The Blade.
En tant que producteur, on lui doit notamment la légendaire trilogie du Syndicat du Crime mais aussi les Histoires de Fantômes Chinois et le wu xia pian L’Auberge du Dragon. Des films cultes qui ont assuré le rayonnement du cinéma hongkongais et qui continuent d’inspirer des cinéastes du monde entier.Tous ces films ont fait la gloire du cinéma de Hong Kong des années 90.
Synopsis : 690, sous la Dynastie des Tang. Tout commence par une énigme. Alors que l’impératrice Wu Zetian (625 – 705), seule et unique femme à avoir jamais régné sur l’Empire du Milieu, s’apprête à accéder au trône, une succession de meurtres secoue le palais. Soupçonnant un complot destiné à la faire tomber, l’impératrice fait appel au seul homme qu’elle estime capable de résoudre l’affaire : le juge Dee Renjie, qu’elle a elle-même fait enfermer huit ans auparavant pour s’être opposé à elle. Avec l’aide de Jing, Grand Officier et favorite de l’impératrice, et de Donglai, un officier impulsif aux méthodes violentes, le juge Dee mène une enquête périlleuse.
Il n’est nul besoin d’être féru d’Histoire de Chine pour comprendre l’intrigue de Detective Dee : une fois le contexte historique et politique planté, avec une clarté exemplaire, le récit prend la forme d’une enquête policière au cours de laquelle Dee Renjie et ses deux collaborateurs vont tenter de découvrir l’identité et le mobile du tueur, à la manière d’un polar à l’occidentale.
Grâce à un scénario bien ficelé, Detective Dee ménage son suspense jusqu’au bout, tout en offrant un juste équilibre entre la reconstitution historique, réalisée grâce à un travail minutieux sur les décors et les costumes, et la fantaisie, qui s’exprime à travers quelques touches de surnaturel mais aussi des séquences d’action ambitieuses.
Chorégraphiés par Sammo Hung, les combats font virevolter les acteurs et chatoyer les couleurs pour venir flatter la rétine, Tsui Hark prouvant au passage qu’il n’a rien perdu de sa maîtrise du cadre et du mouvement.
La scène de combat la plus réussie est la course poursuite dans le Marché Fantôme, au cours duquel Dee, Jing et Donglai affrontent un ennemi capable de se démultiplier. A ce titre, le décor très chiadé du Marché Fantôme donne vie à un monde souterrain stimulant l’imagination et apportant d’autant plus de relief à l’univers très riche de Detective Dee.
Interprété avec humour par le charismatique et éclectique Andy Lau (Infernal Affairs, Les Seigneurs de la Guerre), le juge Dee est un personnage historique très présent dans la littérature chinoise puisqu’il est le héros de nombreux romans policiers. Outre ses deux acolytes que l’on croirait sortis d’une bande-dessinée (mention à Deng Chao, excellent en officier albinos), l’attraction majeure de Detective Dee n’est autre que l’impératrice Wu Zetian, figure contestée dans son pays.
Si l’accès au trône par une femme était mal perçu à l’époque, Wu Zetian est encore aujourd’hui décrite dans les livres d’Histoire chinois comme un fléau pour l’Empire. Un portrait au vitriol que l’on retrouve notamment dans le roman historique L’Impératrice de Chine de Lin Yutang, publié en France.
Pourtant, cette version fait à présent l’objet de révisions. Connue pour ses méthodes cruelles et ses pratiques de sorcellerie, l’impératrice l’est également pour ses compétences politiques et ses actions en faveur de l’éducation des femmes et de l’allègement des taxes pour les paysans.
Ces nuances ne pouvaient échapper à un réalisateur comme Tsui Hark, connu pour son affection pour les personnages féminins forts. C’est lui-même qui avait remis les femmes d’action au goût du jour dans le cinéma hongkongais des années 90 après une période dominée par les héros masculins.
Le portrait de Wu Zetian dans Detective Dee joue la carte de l’ambigüité. « Pour réussir, il faut être prêt à tuer ses proches« , déclare l’impératrice à sa favorite. Mais au cynisme évident de la souveraine s’ajoute une dignité et une stature qui doit beaucoup à l’interprétation de Carina Lau (Nos Années Sauvages). Le cinéaste nous rappelle du même coup, avec la construction du Bouddha géant à côté du palais, que la période des Tang fut marquée par une vie culturelle très active.
Plus captivant et limpide que Seven Swords, Detective Dee ressuscite la fantaisie qui habitait le cinéma hongkongais il y a vingt ans, tout en lui imprimant une touche résolument moderne grâce à l’ampleur des moyens déployés (hormis un ou deux effets pyrotechniques, les effets spéciaux sont impressionnants).
Si l’on ajoute à cela les clins d’œil à quelques personnages mythiques du cinéma hongkongais, tels que la mariée aux cheveux blancs de Jiang Hu (Ronnie Yu) ou Invisible Asia de Swordsman 2, le plaisir est assuré pour l’amateur du genre. Les autres profiteront pleinement de la générosité et la créativité du spectacle.
Elodie Leroy
Article publié sur Filmsactu.com le 19 avril 2011