Une pandémie ravage Bangkok en transformant ses habitants, les innocentes lycéennes comme les gangsters, en zombies assoiffés de sang…
Réalisé par Taweewat Wantha en 2004, SARS Wars pousse le genre du film de zombies au paroxysme de l’horreur… et du délire ! Un film absurde, mais mortellement drôle, d’autant que la réalisation est suffisamment inventive pour captiver le spectateur jusqu’au bout.
Un étrange virus baptisé SARS 4 sévit sur le continent africain et se propage dans le monde entier. Arrivé à Bangkok, un insecte porteur introduit la maladie dans un immeuble résidentiel. Pendant ce temps, une jeune fille du nom de Liu est kidnappée par une bande de gangsters qui réclame une rançon à son père, le Maître Thep. Ce dernier n’a pas dit son dernier mot et envoie son plus fidèle disciple, Khun Krabii, libérer sa fille. Toutefois, le Maître ne résiste pas à la tentation de revenir sur le terrain. Par malchance, les gangsters et l’otage sont précisément cachés dans l’immeuble où prolifère le SARS 4.
Alors que certains s’escriment à faire revivre le genre indémodable du film de zombies – Romero en tête avec Land of the Dead, Danny Boyle avec 28 jours plus tard ou encore Zack Snyder avec L’Armée des Morts –, quelques rebelles osent jouer la carte de la parodie. On se souvient notamment de la tentative d’Edgar Wright en 2004 avec le sympathique Shaun of the Dead. Mais dans nos contrées occidentales, le film de zombies reste avant tout une affaire sérieuse. Et pour cause, c’est la fin du monde pourri dans lequel nous vivons qui est mise en scène, un monde qui mérite bien d’être frappé par le Châtiment Divin. A l’inverse, les cinéastes asiatiques semblent avoir décidément du mal à prendre le genre au sérieux.
Au Japon, la bande à Kitamura nous envoyait déjà il y a quelques années le survitaminé Versus, avec sa horde de morts vivants transformés en punching-ball, puis le délirant Battlefield Baseball, avec ses zombies joueurs. De son côté, Sakichi Satô nous livrait récemment Tokyo Zombie, film apocalyptique déjanté dans lequel deux ouvriers adeptes du jiu-jitsu sont aux prises avec une invasion d’outre-tombe.
C’est au tour de la Thaïlande de pervertir les codes instaurés par Romero et consort avec SARS Wars, ovni cinématographique jonglant avec les genres comme ses personnages jonglent avec les cadavres. Aux péripéties zombiesques de SARS Wars, il faut en effet ajouter quelques gunfights, les méfaits d’un anaconda mais aussi une touche de science-fiction, un zest de comédie musicale ou encore une pincée d’érotisme SM. Bienvenue dans le monde barjo de SARS Wars, immense bazar savamment orchestré par Taweewat Wantha, cinéaste jusqu’alors inconnu au bataillon mais bien décidé à mettre en œuvre ses idées les plus farfelues dans un esprit tout à la fois satirique et bon enfant.
Partant du concept archi connu du virus se propageant dans un espace clos, en l’occurrence un immeuble résidentiel, SARS Wars a tout d’abord l’insolence de se moquer ouvertement, ne serait-ce qu’à travers son titre, de la récente épidémie mortelle du SRAS, ou plutôt de l’incompétence du gouvernement thaï à faire face à ce type de catastrophe. Aucun virus ne peut plus franchir les frontières de la Thaïlande, clame fièrement la Ministre de la Santé devant les caméras. Comme il fallait s’y attendre, cette déclaration est illico presto suivie par l’arrivée d’un insecte porteur du SARS 4, un voyage de l’Afrique à la Thaïlande mis en scène de manière cartoonesque. Bien entendu, la maladie se transmet d’abord par le biais de l’Occidental de service (souvent grand fauteur de trouble dans les films thaïs), un habitant de l’immeuble qui est sur le point d’être le théâtre d’un véritable carnage.
Car si le ton général est à l’humour totalement absurde, SARS Wars ne renie pas l’une des principales règles du film de zombies : du sang, du sang et encore du sang. Entre les arrachages de têtes ou de membres à tout bout de champ et les morsures féroces, les zombies n’épargnent personne. Les victimes sont tout à la fois les gangsters en planque, tout aussi incompétents que les flics (voir l’inoubliable scène de la balle ricochant dans l’ascenseur), que la commère de l’immeuble ou encore la fille sexy circulant en nuisette dans son salon.
Les jeunes en prennent eux aussi pour leur grade, trop occupés qu’ils sont à se shooter dans les boîtes de nuit pour s’apercevoir qu’ils sont en train de se faire dévorer tout crus par des zombies – grand moment surréaliste en perspective. Les quatre héros se disputent incontestablement la palme du personnage le plus pittoresque, entre Master Thep qui joue les superhéros avec son épée de jedi rechargeable, son élève neuneu Khun Krabii affublé d’une tenue de cosplayer et qui sort des pansements et autres gadgets de sa braguette, ou encore la jolie scientifique qui cache sous sa blouse blanche un accoutrement SM.
Affirmant ouvertement ses inspirations, Taweewat Wantha fait quelques clins d’œil appuyés à L’Armée des Morts de Zack Snyder, notamment à travers une hilarante scène d’accouchement (et tout ce qui s’ensuit), tout en se moquant au passage des tics des films d’action actuels (le héros et l’héroïne qui valsent au beau milieu d’un combat, la scène d’habillage à la Rambo de Master Thep) et de la tendance des grosses productions à inclure systématiquement certains ingrédients destinés à attirer le public (scènes érotiques, présence d’un monstre).
Mais au contraire de Shaun of the Dead qui restait trop référentiel, au point de ne jamais vraiment réussir à innover, SARS Wars tire le meilleur parti de ses références tout en conservant une identité propre à travers quelques idées narratives sympathiques, telles que l’intervention de séquences animées pour les flash-backs les plus trash.
Soutenue par une direction de la photographie soignée, privilégiant les tons flashy, et par une bande son toujours au diapason avec les délires barrés qui se jouent à l’écran, la mise en scène révèle une approche très dynamique de l’action et s’appuie sur un montage rythmé mais jamais épileptique. Ces qualités formelles font toutes la différence entre SARS Wars et le tout venant des parodies de films d’horreur à la Scary Movie, dont les réalisateurs ont trop souvent tendance à oublier que rire des films des autres n’empêche pas de faire du cinéma. De la graine de film culte, on en redemande.
Elodie Leroy