La série produite par Netflix s’offre une saison 3 encore plus spectaculaire que la précédente, avec des adultes réduits en bouillie, des espions russes et des ados en crise. Mon analyse.
Mis à part si vous vivez sur une île déserte, vous avez forcément entendu parler de Stranger Things, la série fantastique des frères Duffer produite par Netflix, et qui nous replonge dans l’ambiance kitsch des années 80 aux côtés d’une bande de mômes passionnés de jeux de rôles.
Depuis la saison 1, la bande de Mike (Finn Wolfhard) et le chef de la police locale, Jim Hopper (David Harbour), se débattent contre d’effrayantes créatures sorties d’un monde alternatif, le Monde à l’Envers, ou Upside Down. J’ai visionné la saison 3 et je reste attachée aux habitants de la petite ville de Hawkins et à leurs aventures fantastico-horrifiques, dont l’intrigue tourne cette fois autour d’expériences menées… par les Russes ! Je me suis livrée à une petite interprétation personnelle des enjeux de la saison 3.
Comment j’ai découvert Stranger Things
Il faut tout de même que je vous avoue une chose. Contrairement à la plupart des fans, je n’ai pas découvert l’univers de Stranger Things par la série, mais par le premier jeu vidéo disponible sur mobile depuis 2017. Ce petit jeu en pixel art nous invite à découvrir ce qui se trame à Hawkins et dans les environs, en incarnant tour à tour chacun des enfants de la bande de Mike.
Entre action, énigmes et parcours labyrinthique, dans le monde normal ou immergé dans l’upside down, le jeu Stranger Things rappelle les bons vieux jeux des années 80 – à ceci près que le scénario est très étendu – et restitue à merveille l’ambiance de la série.
Chaque personnage possède ses propres talents, ce qui permet au joueur d’acquérir de nouveaux pouvoirs à mesure qu’il débloque les personnages. Le personnage ultime n’est autre qu’Eleven, alias Elfe, la jeune fille aux pouvoirs psychiques interprétée par Millie Bobby Brown dans la série.
C’est donc après avoir exploré de fond en comble le premier jeu Stranger Things que je me suis mise à la série. Je connaissais ainsi les codes de cet univers et les lieux récurrents (la maison de Hopper, la cabane de Will, le cinéma, etc.), sans pour autant être capable de prédire le scénario (le jeu mentionne la disparition de Will, mais sans que cela constitue le point central de l’histoire).
Le jeu ne m’a donc en rien gâché le plaisir de la découverte. Il est tout de même fait mention, dans ce premier opus du jeu vidéo, des espions russes de la saison 3 et du code que Robin (Maya Hawke) parvient à décrypter !
Décors de film d’horreur
Fan de fantastique/horreur/SF depuis mon enfance, je n’ai eu aucun mal à me laisser absorber dans Stranger Things. Dès la saison 1, la série multiplie les clins d’œil et les références à des films culte tels que The Thing de John Carpenter, E.T. de Steven Spielberg ou encore Retour vers le Futur de Robert Zemeckis, autant de films qui ont marqué cette époque et continuent d’être adulés par les fans de fantastique.
J’avais peur que ces références envahissent la série et que celle-ci ne parvienne pas à trouver son identité, mais je me suis vite laissé absorber par l’histoire et identifiée aux personnages. Il faut dire que la mise en scène cultive une atmosphère mystérieuse et inquiétante grâce à une narration bien pensée, une cinématographie chiadée et une ambiance musicale captivante (le thème principal est une vraie réussite !).
Stranger Things se distingue également par un sens du décor exceptionnel, qui participe pleinement à l’identité de la série. On se souviendra longtemps de la forêt interminable, des couloirs étouffants du laboratoire, mais aussi de la maison chaleureuse des Byers, qui se transforme en cours de route en décor de film d’horreur.
Les enfants face à l’horreur ultime
L’une des raisons pour lesquelles j’adore Stranger Things est que j’ai toujours été friande d’histoires confrontant le genre de l’horreur avec le monde de l’enfance. A titre d’exemple, je citerai l’incroyable roman Ça de Stephen King, qui demeure l’un des meilleurs de son auteur.
Ce roman, dans lequel des enfants sont confrontés à une horreur indicible (incarnée par un clown) que les adultes ne voient pas, fait partie des sources d’inspirations de Stranger Things. La récente adaptation cinématographique de Ça ne restitue pas la richesse thématique et émotionnelle du roman, ni même le mélange de fraîcheur et de terreur qui imprègne cette historie fleuve.
Même si le scénario de Stranger Things ne prétend pas aborder les mêmes questions de société que le roman de King, nous retrouvons dans la série cette confrontation entre les préoccupations propres à l’enfance (camaraderie, relations avec les parents, premiers émois amoureux, etc.) et l’horreur ultime, celle qui broie tout sur son passage et éteint à jamais la moindre étincelle de joie.
A cette dualité, qui fait partie des éléments les plus touchants dans la franchise Stranger Things, s’ajoute une touche d’étrangeté avec la découverte du Monde à l’envers, qui ressemble à une version altérée et morte du monde normal.
Les adultes en charpie
Que vaut la saison 3 par rapport aux deux précédentes ? Autant vous prévenir tout de suite, aucune des deux séquelles n’égale, selon moi, la saison 1, qui reste la plus intense, la plus bizarre, la plus émouvante. Cependant, cette saison 3 tient ses promesses et offre de nombreuses satisfactions, tant sur le plan visuel que scénaristique.
Dans Stranger Things S3, la créature tapie dans le Monde à l’envers lance une offensive sur le monde normal en colonisant d’abord l’esprit des adultes. Guidé par Billy (Dacre Montgomery), qui se la joue playboy des eighties en gardien de piscine avant d’avoir l’esprit possédé, le fléau transforme les adultes en pantins prêts à se transformer en charpie pour fusionner avec lui – les effets spéciaux sont à ce titre bluffants et le rendu est parfaitement dégueulasse !
Outre les clins d’œil à peine déguisés à The Thing de Carpenter à travers les mutations de la créature, dont chaque cellule semble dotée d’une forme d’autonomie, l’intrigue n’est pas sans rappeler Body Snatchers (ou L’Invasion des Profanateurs de Sépultures), auquel la série emprunte l’idée du remplacement des personnes par des copies.
Guerre des mondes
Néanmoins, cet aspect me paraît secondaire dans l’intrigue de la saison 3, qui est plutôt placée sous le signe de la guerre des mondes. Ou plutôt des guerres des mondes : non seulement le monde normal affronte la créature du Monde à l’envers, mais les Américains affrontent les Russes ! Nous sommes en plein dans les préoccupations de l’époque de la Guerre froide !
De manière amusante, la série fait explicitement référence aux films adaptés du roman La Guerre des Mondes, de H. G. Wells lorsque la créature cherche les enfants dans le centre commercial en envoyant des tentacules qui lui servent d’yeux. On pense forcément à la séquence où Tom Cruise et Dakota Fanning se planquent dans la cave pour éviter le regard du tentacule équipe de caméra dans la version de Spielberg de la Guerre des Mondes !
Il n’est donc temporairement plus question, dans cette saison 3, d’entrer dans le Monde à l’envers, dont les portes ont été refermées par Elfe dans la saison 2. En envoyant son espèce d’araignée géante et gluante dans notre monde pour retrouver la jeune fille, le Demogorgon prépare-t-il une invasion ?
A la suite des événements de la saison 2, Will est le seul à ressentir la présence du monstre. Cet élément de l’histoire a toute son importance et m’inspire une interprétation personnelle de cette histoire.
A mes yeux, ce troisième opus repose sur une idée phare : le monde de l’enfance doit disparaître pour laisser place à l’inconnu. Tout est dit dans une courte séquence où Will, bouleversé, se confie à Mike après l’échec de son jeu de rôle qu’il a préparé.
Will aimerait retrouver sa bande d’amis comme avant, jouer au jeu de rôles comme avant. Sauf que les autres garçons de la bande, Mike le premier, sont travaillés par leurs hormones et veulent sortir avec des filles. Will voit son monde idéal menacé, perturbé par ce changement. Ce ne sont pas les filles en elle-même qui représentent une menace, mais le manque d’attention de ses amis, qui entraîne inexorablement le groupe vers sa dissolution.
Cette saison 3 raconte la fin d’un monde, celui de l’enfance. D’ailleurs, les personnages sont divisés en plusieurs groupes bien distincts dans cet opus.
Turbulences romantiques
Mon petit groupe favori est celui formé par Dustin (Gaten Mattarazzo), Erica (Priah Ferguson), Steve et Robin. Inutile de vous dire que j’ai totalement craqué pour Erica, avec ses expressions et son phrasé à mourir de rire, mais aussi pour le couple formé par Steve et Robin (du moins avant la fausse note de la fin, celle qui met la romance à plat pour faire du politiquement correct).
Je suis par ailleurs toujours conquise pas Millie Bobby Brown dans le rôle d’Eleven, avec son regard d’une étonnante profondeur pour son âge. J’aurais tout de même préféré que son amitié avec Max (Sadie Sink, très bonne dans cette saison) soit développée davantage. Mike est le grand perdant de cet opus : effacé, sans développement, il apparaît comme le faire-valoir d’Eleven dans la saison 3.
Mon personnage préféré reste cependant Hopper, toujours aussi attachant avec sa dégaine de bourrin au grand cœur. Avant d’affronter les créatures effrayantes envoyées par le Demogorgon, Hopper doit faire face à une épreuve de taille : le passage à l’adolescence de sa fille adoptive ! Et comme on s’en doute, ce n’est pas triste. Eleven et sa nouvelle meilleure copine, Max, semblent parler une langue étrangère devant notre pauvre shérif qui n’a d’autre choix que de demander conseil à Joyce Byers (Winona Ryder) – des conseils plus ou moins avisés.
La romance manquée entre Hopper et Joyce fait également partie des charmes de la série : à l’heure où leurs enfants découvrent leurs premiers émois, les adultes ne sont guère plus habiles dans leurs tentatives d’approche !
La saison 3 s’achève sur un drame qui bouleverse la donne dans la série : la disparition de Hopper ! Sauf que David Harbour sera semble-t-il bel et bien de retour dans la saison 4… Est-il mort ou prisonnier des russes ? Le mystère reste entier, mais je doute que les showrunners renoncent au personnage le plus populaire de la série.
Elodie Leroy