Entre vampires, zombies et chasse à l’homme, ces 10 films d’horreur venus de Suède, de Norvège, du Danemark ou encore de Finlande vont vous faire frissonner.
Si les pays scandinaves sont connus pour leurs polars bien ficelés (Millenium et consort), ils ont également développé un certain savoir-faire dans le film d’horreur et d’épouvante. Pourtant, il y a encore une vingtaine d’années, le genre n’était pas très développé dans le nord de l’Europe. On pourra y voir un témoignage de l’influence plus faible des religions sur les mentalités, le cinéma d’horreur s’inscrivant bien souvent soit dans la lignée de la morale religieuse soit en opposition à cette dernière, prenant une dimension subversive et contestataire. Quoiqu’il en soit, le cinéma d’horreur scandinave s’est développé dans les années 2000, au point de devenir, aux côtés des thrillers, l’un des fers de lance de l’exportation des films nordique dans le reste du monde, notamment par le biais des festivals tels que Gérardmer ou Fantasia.
Afin d’étudier d’un peu plus près de quoi nos voisins vikings sont capables, nous vous proposons un petit guide du débutant avec 10 indispensables à rattraper.
Morse (Let the Right One in)
Un film de Tomas Alfredson / Suède / 2008
Le chef d’œuvre
Véritable chef d’œuvre du genre, Morse (Let the Right One In) offre un mélange de genres étonnant. Quelque part entre le film de vampires, la chronique sur l’enfance et le drame social, cette superbe pièce de cinéma signée Tomas Alfredson adopte le point de vue d’Oskar, un petit garçon qui vit mal la séparation de ses parents et les persécutions de ses camarades de classe. Une nuit, il fait la connaissance de sa nouvelle voisine, Eli, une petite fille dont l’emménagement coïncide étrangement avec une vague de meurtres dans les environs.
Baigné dans un univers hostile où règne une obscurité froide, Morse prend le contre-pied du film de vampires traditionnel en ancrant son histoire dans un contexte de misère sociale – les adultes sont des laissés-pour-compte – pour raconter avec délicatesse une histoire d’amour d’une rare fraîcheur. Elégante et inspirée, la mise en scène joue la carte de la sobriété pour traduire les émotions intimes d’Oskar et d’Eli, tandis que les explosions de violence atteignent une sauvagerie qui tranche avec l’innocence des deux enfants.
Classique instantané, Morse a déjà fait le tour du monde et raflé de nombreux prix dans des festivals internationaux (dont le grand prix à Gérardmer 2009). Le film est sorti dans les salles françaises en février 2009 et devrait arriver dans les bacs début 2010. Il a connu un remake américain, Laisse-Moi Entrer, réalisé en 2010 par Matt Reeves (Cloverfield), dans lequel nous retrouverons Richard Jenkins et Kodi Smit-McPhee.
Cold Prey I & II
Un film de Roar Uthaug (2006) – Pays : Norvège
Le slasher
Cold Prey fait partie des films qui ont incité les yeux du monde à se tourner vers la Scandinavie pour chercher la relève de l’Espagne en matière de cinéma d’horreur.
Le pitch du film s’avère pourtant basique : une bande de jeunes se rend au sommet d’une montagne isolée pour faire une partie de snowboard, mais lorsque l’un d’entre eux se casse la jambe, le groupe se voit contraint de se réfugier dans un chalet abandonné. On l’aura compris, les lieux n’ont pas été totalement désertés puisqu’un tueur rôde dans les environs, bien décidé à punir les intrus d’avoir pénétré son territoire.
Puisant ses inspirations dans le cinéma d’horreur des années 70, le cinéaste Roar Uthaug prend le temps de planter les relations entre les personnages avant de faire intervenir l’action, ce qui distingue Cold Prey des slashers américains. Il n’oublie pas non plus de tirer parti de son décor – superbes montagnes enneigées -, afin d’ancrer son histoire dans un univers visuel.
Aidée d’une réalisation et d’un montage efficace, chacune des mises à mort s’accompagne d’un suspense viscéral, qui confère au film une dimension nerveuse et angoissante qu’il est de plus en plus rare de trouver dans un slasher. Témoignant d’un vrai savoir-faire, Cold Prey s’impose comme l’une des meilleures incursions dans le genre que la Norvège nous ait délivré jusqu’à présent.
Fort de son succès au box-office et de sa diffusion à l’international, Cold Prey a engendré une suite deux ans plus tard, Cold Prey II, sortie sur les écrans norvégiens en octobre 2008 et projetée en France au Festival de Gerardmer dans le cadre d’une nuit réunissant les deux opus. Bien emballé et divertissant, Cold Prey II n’atteint pas le niveau du précédent, la réalisation de Mats Stenberg étant loin d’égaler celle de Roar Uthaug (producteur et co-scénariste sur le film). On se raccroche tout de même aisément au cauchemar vécu par le personnage interprété par l’actrice Ingrid Bolsø Berdal, toujours aussi charismatique.
Dead Snow
Un film de Tommy Wirkola (2009) – Pays : Norvège
Délire zombiesque en montagne
S’il est un film d’horreur nordique indispensable pour le fun, c’est bien Dead Snow. L’histoire débute un peu à la manière de Cold Prey puisqu’elle met en scène une bande de jeunes venus là encore passer des vacances dans les montagnes enneigées. C’est avec un certain enthousiasme que cette bande de joyeux lurons se rend dans la cabane où ils ont été invités par une de leurs amies. Mais à leur grand étonnement, la propriétaire demeure injoignable. C’est alors qu’un homme mystérieux et un peu malsain leur apprend qu’une menace sordide règne sur la forêt depuis qu’une unité nazie a disparu cinquante ans plus tôt. Bientôt, les jeunes gens vont se retrouver assiégés par une horde de créatures assoiffées de sang aux costumes ornés de croix gammées…
A partir d’un pitch insolite, Tommy Wirkola (Kill Buljo) signe une comédie débridée, rythmée par des séquences gore absolument hilarantes. Il faut les voir, ces zombies nazis, grognant et courant avec leurs uniformes de la Seconde Guerre Mondiale, écartelant les corps et déchiquetant les boyaux de leurs victimes, non sans un sadisme certain. Pour autant, Tommy Wirkola ne se moque pas du genre puisqu’il délivre par-dessus le marché un survival bien huilé, le mélange de massacre et d’humour décalé fonctionnant du tonnerre grâce à une mise en scène énergique qui dévoile progressivement ses cartes, pour atteindre une hystérie collective réjouissante dans son climax. Un délire jouissif à ne pas manquer.
J’ai découvert ce film au marché du film du Festival de Cannes 2009, en compagnie des acheteurs, et la salle était écroulée de rire.
Tale of Vampires (Frostbiten)
Un film d’Anders Banke (2006) – Pays : Suède
Vampires, vous avez dit vampires ?
Deux ans avant la claque Morse, un autre film de vampires suédois voyait le jour : Frostbiten, long métrage indépendant signé Anders Banke et acheté dans plus de 45 pays à l’international, dont la France où il est sorti sous le titre contestable Tale of Vampires.
Première véritable incursion suédoise dans le genre vampirique, cette comédie noire nous immerge en pleine nuit polaire (un contexte repris un an plus tard par 30 Jours de Nuit), dans une petite ville située au nord de la Suède, et nous invite à suivre la propagation d’un mystérieux virus ayant pour effet de transformer ses victimes en brutes assoiffées de sang.
Tout commence par l’emménagement d’une médecin et de sa fille sur les lieux. Tandis que la fille peine à accepter sa nouvelle vie, la mère intègre le service d’un célèbre généticien. Seul problème, ce dernier sse livre à des expériences douteuses matérialisées par une pilule qu’il a lui-même mise au point. Lorsqu’un jeune interne tombe sur une boîte entière de ces comprimés, qu’il prend pour de l’ecstasy, et les vend à une adolescente sur le point de se rendre à une soirée bien arrosée, la situation dégénère.
Si Frotsbiten n’est pas exempt de quelques petits défauts, à commencer par un montage inégal, et si certains effets spéciaux paraîtront un peu kitsch pour un œil habitué aux prouesses hollywoodiennes, le film comporte une pelleté de bonnes idées et quelques moments d’anthologie. Citons notamment un mémorable dîner familial, plus exactement la rencontre entre un jeune homme et ses futurs beaux parents, une séquence dont il n’est pas impossible que Sam Raimi se soit inspiré dans son récent Jusqu’en Enfer. Un bain de sang tout à fait recommandable.
Frostbiten est disponible dans les bacs français sous le titre Tale of Vampires.
Sauna
Un film d’Antti-Jussi Annila (2008) – Pays : Finlande
Plongée en enfer
Film d’auteur sans concession, Sauna n’est pas le divertissement idéal pour passer un bon vendredi soir entre copains, mais mérite absolument le coup d’œil pour les amateurs d’expérience étrange et immersive.
Nous sommes en 1595, alors que la guerre russo-finlandaise vient tout juste de s’achever, deux frères finlandais sont intégrés à une commission chargée de dessiner les nouvelles frontières entre les deux pays. En chemin, ils se rendent responsables de la mort d’une jeune fille russe. Au cours de leur périple, l’un des deux frères se croit poursuivi par le fantôme de la morte. Arrivé dans un petit village perdu au beau milieu d’un marais, le groupe décide de faire une halte. Non loin de là se trouve un sauna, bâtiment insolite fiché dans un marais et sujet à des légendes locales. Le groupe tombera-t-il dans le piège du sauna ?
Baigné dans une ambiance totalement malsaine, Sauna déroute, dérange, imposant insidieusement son rythme lent mais envoûtant. Au jeu remarquable des acteurs s’ajoute une mise en scène d’une remarquable précision, servie par un décor source de fantasme et d’angoisse. Sauna est avant tout un film introspectif, exploitant habilement sa symbolique religieuse pour délivrer une allégorie sur la culpabilité. Les dernières minutes du film sont tout simplement sublimes, vision d’horreur prenant littéralement aux tripes pour nous laisser tétanisés sur notre siège. Fascinant.
Manhunt (Rovdyr)
Un film de Patrik Syversen (2008) – Pays : Norvège
Le survival
A l’instar de Cold Prey, Manhunt confirme que les slashers norvégiens puisent davantage leurs inspirations dans le cinéma américain des années 70 que dans les slashers actuels. En l’occurrence ici, nous avons affaire à un survival en forêt dont l’argument – une chasse à l’homme – est somme toute assez conventionnel, mais dont la réalisation se révèle d’une grande efficacité. La mise en place n’est pas sans rappeler celle de La Dernière Maison sur la Gauche de Wes Craven, classique auquel le cinéaste Patrik Syversen fait quelques clins d’œil explicites – il y a pire, comme inspiration.
A défaut d’être révolutionnaire, cette chasse à l’homme en forêt permet au cinéaste norvégien de démontrer un savoir-faire comparable à celui de son confrère britannique James Watkins, dont le récent Eden Lake nous avait bien plu. La nature de la menace mise à part, Manhunt se situe d’ailleurs dans la même veine et comporte quelques belles montées d’adrénaline, agrémentées d’explosions de violence viscérales et sadiques, sur le plan physique comme moral.
Ajoutons que, contrairement aux slashers américains qui laissent immédiatement deviner quel personnage sera soit le survivant soit le dernier sur la liste, le scénario de Manhunt prend un malin plaisir à brouiller les pistes. On décèlera en outre un propos féministe à peine déguisé dans la manière dont les caractères des victimes se révèlent au grand jour en situation de survie.
Midsummer
Un film de Carsten Myllerup (2003) – Pays : Danemark, Suède
Promenade en forêt… avec des fantômes
Les forêts scandinaves sont décidément dangereuses ! Christian, un étudiant de 19 ans, achève ses examens et participe à une fête de fin d’année. Mais au beau milieu des festivités, sa sœur se suicide à l’étage dans la salle de bain. Très affecté par le geste de sa cadette, Christian est convaincu que cette dernière tentait de lui délivrer un message. Malgré ce contexte tragique, le garçon et sa bande d’amis décident de faire tout de même leur traditionnel voyage de fin d’année dans une forêt suédoise avant de se quitter pour les vacances. Tout semble se dérouler sans heurt, jusqu’à ce que le garçon soit perturbé par d’étranges apparitions.
Coproduction entre la Suède et le Danemark, Midsummer se destine clairement à un public jeune si l’on en juge par la moyenne d’âge de son casting. Le film ne repose guère sur les effets d’hémoglobine, qui se réduisent à néant, et mise davantage sur son atmosphère, exploitant là encore sans retenue le décor de la forêt comme source d’angoisse. Un bon divertissement pour le vendredi soir.
Room 205 (Kollegiet)
Un film de Martin Barnewitz (2008) – Pays : Danemark
Fantômes urbains
Film indépendant danois signé Martin Barnewitz, Room 205 (aka Kollegiet) puise ses influences du côté de la J-horror (cinéma d’horreur japonais) et se présente à l’instar de Dark Water comme un quasi huis clos plantant son décor dans un immeuble hanté.
Le film s’intéresse à une jeune fille qui s’installe dans un logement étudiant et se retrouve confrontée à l’esprit de groupe sectaire de ses colocataires, dont certains manifestent un goût affirmé pour les humiliations. La situation se complique lorsque le fantôme d’une ancienne locataire assassinée se manifeste par le biais d’apparitions inquiétantes. Chose encore plus étrange, le fantôme semble s’en prendre à toutes les personnes qui nuisent à l’héroïne.
S’appuyant sur un scénario bien écrit, qui dépeint la jeunesse danoise sous un jour peu valorisant, Martin Barnewitz installe avec talent une atmosphère oppressante et envoûtante grâce à un décor bien exploité et une esthétique reposant sur une palette de tons limitée. Ce qui ne signifie pas que Room 205 ne comporte pas son lot de meurtres sanglants, certaines mises à mort s’avérant à ce titre plutôt bien trouvées (mention à la scène de l’ascenseur qui renvoie directement au classique L’Ascenseur de Dick Maas).
Ce mélange de film d’épouvante et de thriller psychologique au dénouement ambigu s’est d’ores et déjà fait une petite réputation à l’international et a bénéficié d’une sortie DVD aux Etats-Unis dans une version doublée. Sam Raimi a déjà prévu d’en faire un remake. Mais l’histoire aura-t-elle la même saveur une fois revisitée à travers le prisme du puritanisme américain ?
Villmark (Dark Woods)
Un film de Päl Øie (2003) – Pays : Norvège
Le Blair Witch-like ?
Le pitch de départ de Villmark ne paie pas de mine : pour faire partie d’un reality show dont le thème n’est autre que la survie dans la nature, une équipe de jeunes gens partent dans la forêt à l’écart de toute civilisation pour être testés par leur recruteur. Coupés du monde, interdits de portable et de cigarette, ils ne tardent pas à nourrir quelques angoisses dans ces contrées hostiles, surtout lorsqu’ils découvrent, non loin de leur cabane, un cadavre tapi dans la rivière.
Si le prétexte de l’émission de TV présente quelques similitudes avec Le Projet Blair Witch, Villmark se détache assez vite de son modèle en s’écartant du cinéma à la première personne et en développant une intrigue reposant sur la folie potentielle de l’un des personnages. Là où Päl Øie emprunte explicitement au film de Daniel Myrick et Eduardo Sanchez, c’est non seulement en pompant l’idée des inscriptions sur les arbres mais aussi en jouant sur le hors champ pour suggérer la menace, réussissant ainsi à créer efficacement la sensation que les personnages sont dominés par leur environnement. Le fin mot de l’histoire s’avèrera un peu décevant et échouera à faire de Villmark une expérience mémorable, mais le film n’en possède pas moins quelques bons moments de tension, et c’est déjà ça.
Du même réalisateur, Hidden (Skjult) poursuit l’exploration du genre par Päl Øie, toujours aussi influencé par le cinéma américain. A partir d’un scénario alambiqué reposant sur l’ambiguïté de son personnage principal, Hidden témoigne là encore d’un réel effort d’installer une atmosphère mais souffre d’effets de terreur trop classiques pour surprendre l’amateur du genre.
Le mot de la fin
Qu’il s’agisse de la Norvège, de la Suède, du Danemark ou encore de la Finlande, chaque pays y va de son slasher ou de son survival, de son film de fantômes, de vampires ou encore de zombies, démontrant au passage une belle qualité de production (la mise en scène et la photographie sont en général soignées) et un bon sens du rythme.
On relèvera quelques constantes, telles que l’exploitation de superbes décors enneigés bien entendu (Cold Prey, Dead Snow, Morse), mais aussi de la forêt qui apparaît bien souvent comme un personnage à part entière du film (Manhunt, Sauna, Villmark, Midsummer), tandis que les films d’horreur urbains se font plus rares (Room 205).
Si les inspirations américaines sont évidentes, la morale puritaine est évacuée d’un revers de main, ce qui apporte un petit coup de frais au genre dans sa manière de représenter la jeunesse et les rapports hommes/femmes. Pour exemple, le sexe se fait plus rare à l’écran mais s’apparente à un acte naturel et non plus à une expression de la débauche comme c’est si souvent le cas dans les slashers hollywoodiens.
Force est cependant d’admettre que les sous-genres explorés sont calqués sur le cinéma US, du moins en ce qui concerne les films mainstream (Morse et Sauna s’inscrivent davantage dans le cinéma d’auteur). La Norvège demeure certainement le pays qui brasse le plus large public et il est à ce titre intéressant de voir naître une franchise (Cold Prey) dans un pays dont le nombre de films produits par an reste encore dérisoire par rapport au cinéma français ou anglais.
Comme on s’en doute, plusieurs remakes américains ont vu le jour (nous avons cité celui de Morse par Matt Reeves et celui de Room 205 par Sam Raimi), une affaire qui n’est pas nouvelle puisque le thriller Nightwatch (1997) avec Ewan McGregor était déjà le remake d’un film danois de 1994 par son propre réalisateur Ole Bornedal.
La fuite des talents est d’ailleurs l’enjeu principal de ce cinéma de genre scandinave. En plus du Suédois Mikael Håfström (Evil, Drowning Ghost) qui signait Chambre 1408 avec John Cusack, Tomas Alfredson (Morse) s’est exporté aux Etats-Unis en 2011 en réalisant La Taupe, tandis que Tommy Wirkola (Dead Snow) s’est légèrement compromis avec Hansel et Gretel, avec Gemma Arterton et Jeremy Renner. Comme pour les cinéastes asiatiques, il est parfois préférable de rester chez soi.
Elodie Leroy
Article publié sur Filmsactu.com le 31 octobre 2009 et réécrit pour StellarSisters.
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