Véritable festival de couleurs chatoyantes et détails somptueux, Les Contes de la Nuit réunit de cinq courts métrages revisitant des légendes traditionnelles d’origines géographiques variées.
La sortie d’un long métrage de Michel Ocelot est toujours un événement. Pour les enfants mais aussi pour tous les amoureux de cinéma d’animation qui se respectent, ou même les amateurs de contes quelque soit leur âge.
Avec les chefs d’œuvres que sont Kirikou et sa suite Kirikou et les Bêtes Sauvages, mais aussi Azur et Asmar, Michel Ocelot fait partie, aux côtés de Sylvain Chomet (L’Illusionniste), des auteurs qui ont su apporter un nouveau souffle à l’animation française en employant à bon escient les techniques modernes, tout en conservant une délicieuse touche traditionnelle et un style très affirmé. Des auteurs qui ont aussi su résister au formatage des productions d’Outre-Atlantique et respecter l’esprit du cinéma d’animation français, qui a toujours mis en avant de véritables personnalités artistiques.
Avec Les Contes de la Nuit, Michel Ocelot se livre à de nouvelles expérimentations graphiques en s’essayant à la 3D et revisite par la même occasion cinq contes traditionnels d’origines géographiques variées. Si pour des raisons thématiques le film ne nous a pas autant convaincus que ses précédents, Michel Ocelot signe une fois de plus une œuvre pleine de magie et visuellement magnifique.
Dans un vieux cinéma, une fille, un garçon et un vieux technicien se retrouvent chaque soir pour créer des dessins, fabriquer des costumes et inventer des histoires pour les jouer. Véritable promesse de poésie jouant sur la mise en abyme, le décor qui ressemble à un vieux théâtre abandonné fait tout simplement rêver, cependant que les personnages élaborent leurs pièces sous l’œil observateur d’une chouette dont le hululement lancera chacune des histoires de princes et de princesses.
N’ayons pas peur des mots, le graphisme des Contes de la Nuit est tout simplement sublime, avec ses couleurs chatoyantes, ses personnages en ombre chinoise dont seuls les yeux ressortent avec une grâce folle, ses décors somptueux aux feuillages minutieusement dessinés (une véritable marque de fabrique chez Ocelot qui fascine toujours autant). Avec de tels partis pris graphiques, on se demandait comment Michel Ocelot allait introduire la 3D, censée mettre en valeur les volumes.
C’est toute la subtilité visuelle du film : la 3D différencie les plans du décor pour lui apporter un relief tout particulier sans jamais trahir les effets d’aplats auxquels l’auteur nous avait habitués. Une manière aussi belle qu’originale d’utiliser le procédé, que l’on doit en l’occurrence à Mac Guff Films, studio auquel l’auteur avait déjà fait appel pour Azur et Asmar et qui œuvre également pour des productions hollywoodiennes (Moi, Moche et Méchant).
C’est étrangement sur le fond que Les Contes de la Nuit révèle quelques faiblesses. Si l’on est séduit de manière inconditionnelle par Le Garçon Tamtam, nouvelle déclaration d’amour de l’auteur au continent africain, ou encore par La Fille-Biche et le Fils de l’Architecte, on reste cependant dubitatif sur la morale du Garçon qui ne mentait jamais, dont la noirceur extrême constitue une prise de risque appréciable et s’allie à une réelle émotion mais laisse finalement la place à un dénouement des plus perturbants.
D’autre part, le principe de répétition parlera indéniablement au jeune public, mais les traits communs entre les histoires – un garçon innocent sauve une princesse – misent tout de même sur des clichés légèrement éculés. De la part de Michel Ocelot, on s’attendait à un contenu plus original, notamment à un traitement plus égalitaire entre le garçon et la fille, cette dernière se voyant systématiquement reléguée au second plan dans ces créations auxquelles elle est pourtant censée prendre une part active.
Au-delà de ce constat quelque peu dérangeant – on ne répétera jamais assez à quel point les schémas véhiculés dans les histoires pour enfants ont leur importance –, Les Contes de la Nuit effectue presque un sans faute sur le plan éducatif, en donnant comme il se doit la part belle à l’imaginaire et au triomphe de l’amour, du courage ou encore de l’innocence face à la cruauté et aux préjugés.
Elodie Leroy
Article publié sur Filmsactu.com le 13 avril 2011