Notre analyse de l’évolution de Harry Potter, de sa condition de sorcier à sa découverte du monde politique, en passant par les figures paternelles qui l’entourent… 

Rédigé juste avant la sortie de Harry Potter et l’Ordre du Phénix et mis à jour entre-temps, ce dossier que j’ai pris beaucoup de plaisir à écrire retrace l’évolution psychologique du personnage-titre de la saga littéraire de J.K. Rowling. L’accent est mis sur le pivot de la saga : la fin de Harry Potter et la Coupe de Feu, qui marque le retour de Voldemort, et le début de Harry Potter et l’Ordre du Phénix, qui élargit l’univers perceptif du jeune sorcier et pose les bases de la guerre qui éclatera dans les deux tomes suivants, Harry Potter et le Prince de Sang Mêlé et Harry Potter et les Reliques de la Mort.

CHAPITRES :
1 – Harry Potter, un éternel marginal
2 – Un univers qui s’élargit à chaque épisode
3 – L’engagement de Harry
4 – A la recherche d’une figure paternelle
5 – Potter vs Voldemort : un combat multidimensionnel

La cinquième année à Poudlard est une année difficile pour Harry. En proie aux tourments de l’adolescence, le jeune sorcier reste marqué par la mort de Cédric Diggory, l’un des concurrents du tournoi auquel il participait l’année précédente. Non seulement Voldemort est revenu dans le monde des vivants et menace de tout détruire, mais l’univers sécurisant et un peu fou fou de Poudlard se voit bouleversé par l’arrivée d’un sombre personnage, Dolores Ombrage. L’univers perceptif de Harry s’agrandit puisque le garçon prend à présent conscience de son environnement politique. Mu par la révolte, il passe à l’action. Mais le pire ennemi du héros se trouve peut-être enfoui au plus profond de lui-même…

NB : en raison de la présence de quelques spoilers dans cet articles, il est recommandé d’avoir soit lu les romans soit vu les films avant la lecture.

I – Harry Potter, un éternel marginal

Avec sa légendaire cicatrice en forme d’éclair sur le front, Harry Potter a été marqué dès sa petite enfance, comme s’il était promis à une destinée exceptionnelle. Pour le meilleur et pour le pire. Harry est l’enfant qui a survécu aux assauts de Voldemort, la preuve vivante que ce dernier n’est pas totalement infaillible. Un espoir pour la Communauté Magique, dont les membres ne parviennent pourtant toujours pas à trouver le courage de prononcer le nom de Voldemort, au contraire de Harry qui brise immédiatement le tabou.

Harry Potter à l'Ecole des Sorciers

Chez les Moldus, Harry Potter se trouve être marginalisé par la famille Dursley qui le ne le traite pas en être humain. Chez les Sorciers, il se voit certes accorder ce statut élémentaire mais sa célébrité lui vaut elle aussi de se retrouver marginalisé. Si sa cicatrice lui a souvent valu les regards fascinés des adultes, elle en fait aussi le bouc émissaire idéal des plus malveillants, à commencer par les Serpentards.

Habitué dès le premier épisode à subir les moqueries de la bande de Drago Malefoy, Harry se voit dès le second opus de la saga, Harry Potter et la Chambre des Secrets, accusé d’un sérieux méfait puisqu’il est un temps soupçonné d’avoir ouvert la Chambre des Secrets. Cette accusation se voit ensuite reporter sur Hagrid, allié et confident de Harry et de ses amis dans la micro-société qu’est Poudlard, et qui se trouve lui aussi souvent désigné comme bouc-émissaire en raison de ses origines du côté du peuple des Géants.

Harry entouré de Ron et Hermione

Soulignons à ce titre la tendance du jeune sorcier à s’acoquiner avec des marginaux, entre Ron Weasley qui est issu d’une famillle pauvre et Hermione Granger dont les parents sont des Moldus.

Dans Harry Potter et le Prisonnier d’Azkaban, c’est le parrain de Harry, Sirius Black, qui subit les pires accusations, en l’occurrence celles d’avoir assassiné un nombre incalculable de personnes, ce qui vaut à Harry une protection rapprochée qui l’isole une fois de plus de ses camarades. Dans Harry Potter et la Coupe de Feu, le héros est lui-même soupçonné d’avoir introduit illégalement son nom dans la coupe de feu, ce qui va jusqu’à entraîner, pendant une partie du récit, l’hostilité de son meilleur ami Ron, tandis que les médias répandent des inepties sur son compte par l’intermédiaire de Rita Skeeter.

Harry Potter et l’Ordre du Phénix confronte le jeune Harry à une situation dont les implications s’avèrent encore plus graves. Cette fois, il est accusé d’être un affabulateur et d’avoir monté de toutes pièces, avec la complicité d’Albus Dumbledore, l’affaire du retour de Voldemort. Alors qu’il vient tout juste d’assister, impuissant, au meurtre de Cédric Diggory par Peter Pettigrew, Harry est non seulement montré du doigt mais traité de menteur voire de fou.

Harry Potter et Luna Lovegood

Cette fois, les accusations ne proviennent plus d’un élève de l’école ni même d’un professeur, elles s’inspirent directement des propos du Ministre de la Magie, Cornelius Fudge. Il apparaît clairement que ce dernier vise en réalité Albus Dumbledore, qu’il soupçonne de vouloir prendre sa place. En attendant, Harry en subit directement l’impact, avec toutes les conséquences psychologiques que cela peut avoir sur un adolescent déjà marqué par la mort de son ami.

A ce titre, en côtoyant la mort de près, Harry a en quelque sorte franchi une frontière invisible. En témoigne le fait qu’il puisse voir de ses yeux les Sombrals, ces créatures chargées de tirer les voitures menant les élèves du Poudlard Express à la célèbre école de magie. Cette caractéristique, Harry la partage avec l’inénarrable Luna Lovegood, cette dernière subissant elle aussi les moqueries des autres élèves mais endossant, dans le 5ème opus, le rôle d’ange gardien de Harry, un ange qui lui met du baume au coeur et l’aide à accepter ses blessures.

II – Un univers qui s’élargit à chaque épisode

Célèbre dès l’enfance pour être le seul à avoir survécu au fatal Avada Kedavra de Voldemort, Harry est à nouveau confronté aux médias dans Harry Potter et l’Ordre du Phénix. Dans l’opus précédent, pris de court par sa participation involontaire au Tournoi des Trois Sorciers, le jeune garçon se laissait dépasser par les rumeurs répandues par Rita Skeeter dans La Gazette du Sorcier, à son sujet et celui de ses amis.

Scène de tournage de Harry Potter et la Coupe de Feu

Dans le cinquième opus, il parvient à contourner ce pouvoir voire à le retourner à son avantage. Cet aspect n’apparaît pas vraiment dans le film, où le personnage de Rita Skeeter a tout bonnement été omis. Mais dans le roman, Hermione imagine un plan visant à obliger la journaliste à réaliser une interview de Harry pour le compte du Chicaneur, une revue alternative dirigée par le père de Luna Lovegood. Harry prend conscience du pouvoir de la parole et de sa diffusion, c’est-à-dire de la puissance des médias.

Jusqu’à présent, la conception du monde qu’avait Harry était simple et plutôt limitée. Il y avait les gentils (ses amis, les Wesley, Dumbledore et quelques professeurs) et les méchants (Voldemort et ses fidèles, les Malefoy, Rogue) ; le reste appartenait au quotidien de son école.

Dragon Malefoy, Neuville Longdubat, Hermione Granger et Vincent Crabbe

Certes, Harry avait déjà été témoin des manipulations de Dumbledore destinées à rétablir la justice lorsque le Ministre prenait une décision trop arbitraire, comme celles de virer ou de condamner Hagrid à la moindre occasion (l’affaire de l’hippogriffe dans Harry Potter et le Prisonier d’Azkaban), mais l’essentiel de l’intrigue tournait autour des affaires de l’école. Même Voldemort demeurait lié à Poudlard aux yeux de Harry qui avait eu l’occasion de l’apercevoir dans la Forêt Interdite, derrière la tête d’un malheureux professeur ou dans une pièce secrète située dans les sous-sols.

Ainsi, dans Harry Potter à l’Ecole des Sorciers et Harry Potter et la Chambre des Secrets, l’action se déroulait presque exclusivement dans l’enceinte de l’école, lieu symbolisant le cocon de l’enfance. Dans Harry Potter et le Prisonnier d’Azkaban, le récit débutait à Azkaban avec l’évasion de Sirius, un événement que Harry apprenait par les journaux et par son entourage. Par la suite, Sirius rejoignait Harry en s’invitant à Poudlard sous son apparence de chien et la résolution de l’histoire se déroulait à nouveau dans l’école mais aussi dans ses environs.

Dans Harry Potter et la Coupe de Feu, le héros se voyait contraint de participer au Tournoi des Trois Sorciers, lequel se déroulait dans l’enceinte ou aux alentours de Poudlard mais comptait également sur la participation des Sorciers et Sorcières venus de l’étranger, une autre manière de faire évoluer la perception du monde du héros.

La famille Weasley fait partie de la Dumbledore’s Army

Harry Potter et l’Ordre du Phénix poursuit dans cette voie, celle d’élargir l’univers géographique et perceptif de Harry. Au cours de l’histoire, l’adolescent visite le quartier général de l’Ordre du Phénix, se rend au Ministère de la Magie avec Mr Wesley puis avec ses amis. Dans le roman, il découvre même Ste Mangouste, l’hôpital des Sorciers.

Ce déplacement géographique d’une partie de l’intrigue est certes associé à une prise de liberté mais aussi à une perte de contrôle. Lorsque Harry est assailli d’une vision dévoilant l’agression de Mr Wesley au Département des Mystères, il est obligé d’en référer aux professeurs pour intervenir, ce qui entraîne un sentiment de frustration et de culpabilité. Son emprise sur le monde est donc limitée. Le climax du film se déroule enfin pour la première fois dans un lieu échappant au champ d’action de Dumbledore même si celui-ci vient finalement prêter main forte à Harry et ses amis.

Daniel Radcliffe

Dans le roman, on relèvera par ailleurs l’utilisation presque exclusive par l’auteure du principe de focalisation interne sur Harry jusqu’au cinquième tome. En d’autres termes, jusqu’à présent, seuls les événements dont il est témoin étaient relatés à travers son seul point de vue. J.K. Rowling rompt clairement avec ce principe au début du sixième tome où elle va jusqu’à adopter le point de vue d’un Moldu, preuve que l’action échappe à présent bel et bien à l’emprise et à la perception du héros qui se retrouve bel et bien immergé dans le monde des adultes.

III – L’engagement de Harry

Dans Harry Potter et l’Ordre du Phénix, l’univers du jeune Sorcier ne s’élargit pas seulement géographiquement mais aussi idéologiquement. Les manipulations de Cornelius Fudge obligent Harry à entrer brutalement dans le monde des adultes dès le tout début de l’épisode lorsqu’il est convoqué au Ministère pour assister à une audience devant le Magenmagot pour avoir utilisé la magie illégalement dans le monde des Moldus. Fort heureusement, il se voit in extremis innocenté par Dumbledore.

Contournant les magouilles de Fudge, le directeur de Poudlard parvient en effet à prouver que le garçon agissait dans un état de légitime défense. Déjà, Harry a un aperçu de la corruption qui mine le Ministère – un thème qui sera développé par la suite. Mais à son retour à Poudlard, un événement aussi brutal qu’imprévu bouleverse la vie du jeune sorcier et celle de toute l’école. Il s’agit bien entendu de l’arrivée de Dolores Ombrage, imposée par le Ministère de la Magie comme professeur de Défense Contre les Forces du Mal.

Dolores Ombrage

Comme le souligne Hermione dès la cérémonie d’ouverture (dans le film comme dans le livre), l’arrivée d’Ombrage signifie « que le ministère a décidé d’intervenir dans les affaires de Poudlard ». Autrement dit, que le monde politique intervient dans celui de l’éducation. Un facteur supplémentaire susceptible de précipiter le passage à l’âge adulte de Harry (et de ses amis).

Dans le seul but d’évincer Dumbledore, le Ministre Fudge confie un pouvoir sans borne à Dolores Ombrage qui amorce dès son arrivée une impressionnante montée en force en imposant décret sur décret. Les mécanismes utilisés par Ombrage pour son ascension évoquent celles des dictatures communistes : espionnage, interdiction de monter une association sans l’aval de la Grande Inquisitrice, confiscation des biens (les balais, par exemple), abus de pouvoir, etc.

Harry Potter et Drago Malefoy

La formation d’une Brigade Inquisitoriale et l’incitation à la délation évoque bien entendu les jeunesses communistes mais aussi les jeunesses hitlériennes. Justement, la Brigade Inquisitoriale d’Ombrage se compose principalement d’élèves de Serpentard, maison dont la philosophie est d’« enseigner aux descendants des plus nobles lignées ». Les « nobles lignées » dont il est question désignent les familles et les plus aisées (d’où les moqueries des Malefoy vis-à-vis de la condition sociale des Wesley) mais aussi les « Sang-purs ».

Rappelons que le héros entend pour la première fois son amie Hermione se faire traiter de « Sang-de-bourbe » dans Harry Potter et la Chambre des Secrets, second opus de la saga. A l’époque, il n’a pas réellement conscience des implications d’une telle insulte. Il ne connaît pas le but des Mangemorts tels que Malefoy (père) qui est de prôner l’émergence d’une « race supérieure ». Harry découvre à présent que ces idéologies douteuses trouvent un écho alarmant chez les personnes les plus influentes du Ministère – les sixième et septième tomes viendront développer cette thématique puisque Voldemort s’impose comme un Hitler en puissance.

Harry et Dumbledore

Au début du cinquième opus, Harry Potter fait la connaissance des membres de l’Ordre du Phénix, une organisation secrète fondée par Dumbledore et dont le but est de contrecarrer les agissements de Voldemort. L’Ordre du Phénix ne peut que rester dans l’ombre puisque Cornelius Fudge refuse de reconnaître le retour du Mage Noir.

Considérés comme trop jeunes pour intégrer l’Ordre, Harry et ses amis (Ron, les jumeaux Fred et George, Ginny et Hermione) se voient obligés d’écouter aux portes. Frustré de ne pouvoir s’imposer dans le monde des adultes, Harry entre en action à Poudlard en montant l’A.D. ou « Armée de Dumbledore », afin de former ses amis aux sortilèges basiques de Défense Contre les Forces du Mal.

Cette initiative quelque peu naïve est non seulement inspirée par la crainte de Voldemort mais aussi par les agissements d’Ombrage qui maltraite les élèves et leur interdit toute utilisation de la Magie. Dans la Salle sur Demande, pièce secrète qui n’apparaît que si l’on en a réellement besoin, les membres de l’A.D. s’entraînent chaque semaine aux sortilèges de défense tels que Stupefix ou Protego, et apprennent à former des Patronus afin de contrer les Détraqueurs.

Scène de baiser entre Ginny et Harry

En plus de réagir à l’oppression exercée par Ombrage, Harry s’improvise enseignant et il s’en sort plutôt bien. Mieux, il met ses expériences les plus sombres – ses contacts avec les Détraqueurs, par exemple – au service de son enseignement, développant par là même une forme de résilience. D’autre part, Harry permet ainsi aux talents cachés de certains de ses amis (Neville, Ginny) de se révéler enfin. Et à Hermione de prononcer le nom de Voldemort, ce qui constitue un grand pas en avant. Si au final Harry tombe dans un piège tendu par Voldemort en se rendant au Ministère, son enseignement s’avère être un fier succès puisque ses amis parviennent à tenir tête aux Mangemorts.

Au passage, l’expérience permet aussi à l’adolescent de gagner une nouvelle assurance qu’il met à l’oeuvre auprès de la gent féminine. La première intéressée est bien entendu Cho Chang. Bouleversée par la mort de Cédric Diggory, celle-ci n’en nourrit pas moins un certain intérêt pour Harry et se joint à l’A.D. Quelques regards embarrassés plus tard, ils échangent un premier baiser…

IV – A la recherche d’une figure paternelle

Dans Harry Potter et l’Ordre du Phénix, Harry souffre beaucoup de ne pas communiquer avec Dumbledore qui semble mystérieusement éviter tout contact. Pourtant, Harry n’a jamais prouvé à ce point sa loyauté envers le directeur de Poudlard. Rappelons que dans Harry Potter et la Chambre des Secrets, le phénix Fumseck avait déjà reconnu cette loyauté infaillible en intervenant dans son combat contre le Basilic – seuls les élèves loyaux envers l’école peuvent utiliser l’épée de Gryffundor.

Pourtant, Dumbledore semble à présent éviter le garçon, allant jusqu’à fuir son regard. Au lieu de s’en remettre à la sagesse du vieux Mage comme il l’aurait fait les années précédentes, Harry se laisse envahir par la colère face à ce qu’il vit comme une injustice. Pour la première fois, Harry a l’impression de se retrouver livré à lui-même.

Si Harry cherche depuis sa toute première année à Poudlard à cerner le genre d’homme qu’était son père, c’est avant tout Albus Dumbledore qui s’est imposé comme la figure paternelle et tutélaire par excellence tout au long des quatre années précédentes. Jusqu’au quatrième opus, Harry Potter et la Coupe de Feu, Dumbledore est l’unique détenteur de la sagesse, de la parole et du savoir ultime aux yeux de Harry. Le garçon voue au directeur une vénération sans borne, ce qui n’a rien d’étonnant compte tenu de son vécu, notamment de l’absence de parents aimants dans sa vie d’enfant.

Pourtant, cette figure rassurante se voit largement mise à mal au cours du cinquième opus/tome. Bien sûr, l’adolescence et le besoin de mettre en cause l’autorité qui va avec n’y sont pas pour rien. Pourtant, il semblerait que l’enjeu soit plus profond.

Cedric Diggory et Harry Potter

Dès le début du cinquième tome, Harry ne digère pas sa mise l’écart suite à la mort de Cédric Diggory. Caché par Dumbledore – une juste initiative, comme en témoigne l’agression des Détraqueurs –, il se sent surprotégé et frustré de ne pouvoir s’engager dans une cause qu’il estime être aussi la sienne. Pour la première fois, un début de révolte contre le tout puissant Dumbledore prend naissance dans la tête de notre Harry.

Or les événements qui suivent viennent justement prouver que Dumbledore n’est pas aussi invincible que le jeune garçon le croyait : il s’avère en effet que Dumbledore peut se faire destituer de ses fonctions de directeur en un clin d’œil. Obligé de fuir (avec style, certes, comme le souligne Kingsley Shacklebolt), le vieux sorcier est véritablement poussé dehors par Ombrage qui prend la tête de l’école, soit de l’univers censé représenter une certaine sécurité pour Harry. Même s’il a conscience de la volonté de Dumbledore de le couvrir, lui et ses amis membres de l’A.D., Harry se sent en quelque sorte trahi par cette fuite.

Dans le roman, la révolte de Harry contre Dumbledore va jusqu’à faire monter en lui des envies de frapper le vieil homme, une pulsion de violence qu’il faut bien évidemment relier à l’emprise que Voldemort exerce sur l’adolescent, mais qui vient tout de même témoigner d’un bouleversement dans leur relation. Lors de l’entretien marquant la fin de ce cinquième tome, Harry finira par littéralement par tout casser dans le bureau du directeur.

Sirius Black et Harry Potter

Un autre homme peut être assimilé à une figure paternelle potentielle. Il s’agit bien entendu de Sirius Black, celui qui fut le meilleur ami de James Potter et qui fut choisi comme parrain pour Harry. La position de Black s’avère toutefois plus ambiguë que celle de Dumbledore dans la mesure où il assure à la fois le rôle de tuteur et de grand frère pour Harry, une relation fort bien retranscrite dans le film à travers leurs quelques échanges. Sirius y apparaît cependant plus raisonnable et moins immature que dans le roman.

En effet, dans l’oeuvre de J.K. Rowling, Sirius encourage constamment d’inciter Harry à enfreindre les règles sans toujours se rendre compte des dangers encourus. Ses conseils lui sont cependant bénéfiques puisqu’il incite Harry à prendre confiance en lui, à l’instar de Rémus Lupin, professeur de Défense Contre les Forces du Mal dans le 3ème opus, qui recevait les confidences de Harry en qualité d’ami de James Potter dans le passé.

Il semble pourtant que les « oncles » de Harry soient destinés à se tenir éloignés de lui, entre Sirius qui se voit contraint de fuir puisqu’il est considéré comme un hors-la-loi, et Rémus Lupin qui se retrouve obligé de quitter son poste de professeur lorsque sa condition de loup-garou est exposée au public (on peut voir cette « maladie » comme une allusion au Sida).

Dans le cinquième opus, alors que Harry s’est considérablement rapproché de Sirius, celui-ci connaît une fin tragique en passant de l’autre côté de l’Arcade, dans la Salle de la Mort : privé de celui qu’il voit comme sa seule famille, Harry se retrouve à nouveau orphelin.

Pour couronner le tout, Harry découvre au cours de ses séances d’occlumancie prodiguées par Rogue que son véritable père était loin d’être un saint. Le souvenir qu’il parvient à découvrir dans l’esprit du professeur révèle James Potter au même âge, accompagné de ses amis – Sirius Black, Remus Lupin et Peter Pettigrew – et se livrant à une petite séance de brimades envers le jeune Rogue. Habitué à la condition de bouc émissaire, Harry s’identifie immédiatement à Rogue, et cela en dépit de leur légendaire hostilité mutuelle.

Avec cette révélation, un autre mythe s’effondre aux yeux de Harry, celui d’un père idyllique et sans défaut. De quoi lui faire perdre définitivement ses repères puisque toutes les personnes ayant connu James Potter ne cessent de lui rappeler à quel point le père et le fils se ressemblent (même apparence, même talent d’attrapeur au Quidditch, même tendance à agir au mépris des règles, etc.).


Face à cette triple destruction de l’image paternelle – Dumbledore n’est plus l’homme tout puissant qu’il s’imaginait, Sirius Black le quitte, James Potter n’est plus le modèle idéal –, l’image de la mère reste intacte. Une aura de pureté entoure toujours Lily Potter, la femme qui a sacrifié sa vie pour protéger son enfant. Car le pouvoir dont parle la Prophétie que Harry découvre à la fin de l’aventure, c’est bel et bien l’amour de sa mère, un amour pur et intouchable que même Voldemort ne peut entacher.

On ne peut s’empêcher de penser à un complexe oedipien, une interprétation encore plus pertinente à la lecture du roman dans lequel les souvenirs de Rogue sont décrits plus longuement et font intervenir Lily, amenant Harry à se demander si son père n’a pas forcé sa mère à l’épouser (avec tout ce que cela implique). Dans le roman, le garçon parvient à obtenir un semblant d’explication de la part de Black et de Lupin, mais le mal est déjà fait.

(Update) : La suite de l’histoire confirmera ces soupçons sur le complexe d’Oedipe de Harry : Lily ne sera dévoilée à son fils qu’à travers les souvenirs de Rogue qui était justement amoureux d’elle ! A ce titre, Rogue fait bel et bien partie des figures paternelles potentielles de Harry. Véritable « père fouettard », Rogue est l’homme qui sévit lorsque Harry franchit les limites et brise les règles, ce que ni Dumbledore ni Sirius ne parviennent à faire. En lui infligeant des punitions, même si certaines sont injustes, Rogue donne à Harry un cadre à respecter, ce qui est indispensable pour le faire évoluer et lui permettre de passer à l’âge adulte. (Fin de l’update)

V – Potter vs Voldemort : un combat multidimensionnel

Si Harry Potter et Voldemort semblent s’opposer sur tous les plans, de nombreux aspects les rapprochent, au point de les faire passer pour des jumeaux.

Rappel des faits. Dans Harry Potter à l’Ecole des Sorciers, le sorcier Ollivander, fabriquant et vendeur de baguettes magiques, révélait au héros un détail intéressant sur l’objet qui allait l’accompagner pendant des années : la plume de phénix utilisée pour fabriquer sa baguette provient d’un phénix ayant fourni une seule et unique plume auparavant, en l’occurrence à l’homme auquel Harry doit sa cicatrice. On le devinait très vite : ce phénix était bien sûr Fumseck, le fidèle ami de Dumbledore.

Harry Potter parle le Fourchelangue

Dans Harry Potter et la Chambre des Secrets, on découvrait la capacité de Harry à parler et à comprendre le Fourchelang, la langue des serpents, une qualité que possède aussi Voldemort. Harry s’était alors souvenu d’une chose dont il avait fait part à Dumbledore : lors de son arrivée à Poudlard en première année, le Choixpeau avait été tenté de l’envoyer chez les Serpentards, mais face à l’angoisse de Harry, il avait finalement opté pour Gryffundor. Dumbledore avait conclu l’anecdote de la manière suivante : l’élément déterminant n’était pas la nature de Harry mais le choix de vie qu’il avait fait.

L’autre lien majeur lien entre Harry et Voldemort s’exprimait lors de la résurrection de ce dernier dans Harry Potter et la Coupe de Feu, au moyen du sang du héros. Voldemort avait déjà marqué Harry au corps des années auparavant, en dessinant cette fameuse cicatrice en forme d’éclair son front. A son tour, Harry marquait Voldemort en lui offrant – contre sa volonté – son propre sang. Le lien qui unit Harry et Voldemort prenait alors un caractère organique.

Harry Potter et l’Ordre du Phénix va encore plus loin puisque ce lien devient spirituel. L’épisode précédent révélait déjà chez Harry la capacité à entrer en contact avec l’esprit de Voldemort. Le garçon avait en effet compris que celui-ci préparait son retour en utilisant un allié qui s’était avéré être Barty Croupton Jr (déguisé en Maugrey Fol d’œil).

Cette fois, le Mage Noir réalise l’existence de cette connexion entre leurs esprits et décide d’utiliser pour tendre un piège à Harry. Ainsi, il lui fait croire qu’il détient Sirius Black en otage pour le faire venir au Ministère de la Magie. Encore trop inexpérimenté pour distinguer un rêve d’une illusion créée par l’ennemi, le jeune sorcier tombe bien évidemment dans le panneau. Autant dire que les cours d’Occlumencie donnés par Rogue ont été complètement inefficace ! Il faut dire que Harry a fait preuve d’une totale mauvaise volonté.

Dans le final, l’affrontement du clan de Harry contre les Mangemorts se solde par une brève prise de contrôle total du jeune garçon par le sombre Mage. Possédé, Harry doit lutter intérieurement. Dans le roman, ce passage est avant tout mis au service du duel entre Voldemort et Dumbledore. Dans le film, le réalisateur réinterprète légèrement la scène en l’abordant du point de vue de Harry, ce qui s’avère être une très bonne idée. La lutte qui se joue dans son esprit se traduit par un défilé d’images fortes réintégrant Voldemort dans les souvenirs-même du garçon. On découvre notamment notre héros se regardant dans le miroir et apercevant Voldemort à sa place, comme s’il avait toujours été à ses côtés voire à sa place.

La confusion qui s’opère entre les deux personnages suggère qu’il s’agit de deux parties du même être, l’ombre et la lumière en perpétuel affrontement. On peut aussi voir ce conflit comme un prolongement de la problématique oedipienne évoquée précédemment, Voldemort apparaissant dans ce cas non plus comme un jumeau mais comme un père étouffant et castrateur dont Harry doit se défaire s’il veut continuer à vivre.

(Update) Cette confusion trouvera son explication finale dans le septième tome, où l’on apprendra que Harry est lui-même un horcruxe de Voldemort, c’est-à-dire qu’il porte en lui une partie de l’âme de terrible sorcier. Cette explication ne vient cependant nullement remettre en question nos suppositions, à savoir la symbolique du père castrateur à abattre. (Fin de l’update).


Avec sa fin désespérée, Harry Potter et l’Ordre du Phénix donne l’impression, au premier abord, que l’intrigue n’a guère fait évoluer le personnage. Pourtant, les thématiques globales et individuelles s’affirment plus que jamais dans ce cinquième opus qui permet à l’histoire de prendre un nouveau tournant. Le conflit qui oppose Harry à Voldemort devient plus explicite grâce à la Prophétie faire par Trelawney des années auparavant : Harry devra tuer ou être tué. Il n’y va plus seulement de sa survie physique mais aussi de son équilibre psychique.

En d’autres termes, cette guerre prend aussi la forme d’un combat intérieur. Le nouvel enjeu pour Harry Potter est de parvenir à prendre son envol et à devenir adulte, ce qui ne pourra se faire que s’il parvient à se détacher de l’emprise de ses deux pères spirituels, Dumbledore et Voldemort (le phénix et le serpent), l’un tenant trop à lui et l’autre visant à sa destruction. Tel un papillon sortant de sa chrysalide, Harry devra devenir un homme.

Les implications seront majeures : l’issue du combat affectera non seulement la vie de Harry et de son entourage mais aussi l’univers des Sorciers tout entier, sur le plan politique notamment, voire celui des Moldus comme le démontrera le premier chapitre du tome 6, dans lequel le Premier Ministre de Grande Bretagne sera mis au courant de l’affaire…

Elodie Leroy

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