Dans ce film coréen de dragons, des créatures envahissent Los Angeles ! Aussi bizarre que cela puisse paraître, tout a commencé sous l’ère Joseon, en Corée. Si si, on vous assure !
Certains nanars sont tellement mauvais qu’ils se transforment en un festival d’absurdités et forcent presque la sympathie ; et ce, même si l’on se demande comment des producteurs ont pu être assez fous pour s’embarquer dans une telle galère. Avec son scénario débile et ses acteurs calamiteux, le film coréano-américain D-War: la guerre des dragons entre haut-la-main dans cette catégorie.
Le pire, c’est que le réalisateur coréen Shim Hyung Rae bénéficie pour l’occasion d’un budget confortable et d’effets spéciaux ultra chiadés, ce qui fait de ce D-War: la guerre des dragons une sorte de nanar de luxe, un croisement improbable entre l’esprit des téléfilms américains les plus cheap des années 80 et celui des blockbusters coûteux made in Hollywood, avec une touche coréenne pour agrémenter la recette. Chronique d’un nanar quatre étoiles.
Légende coréenne
Pour commencer, D-War: la guerre des dragons a la maladresse de nous entraîner dans un flash-back dans le flash back : le héros se souvient de son enfance et l’enfant qu’il était découvre de quoi il retournait dans sa vie antérieure. Touche exotique oblige, il est question d’une légende coréenne, à raconter de préférence au coin du feu dans une vieille boutique d’antiquités, à un gamin suffisamment naïf pour accepter sans trop se poser de questions qu’il est la réincarnation d’un personnage mythique.
Selon la fameuse légende, un serpent malfaisant, le Buraki, menace de détruire le monde. La seule arme pouvant le contrer serait le Yu Yi Joo et résiderait dans le corps d’une jeune femme. A l’époque où l’histoire est contée à Ethan, la femme en question est censée revenir prochainement sur Terre et être protégée par un guerrier – notre homme – afin d’accomplir sa destinée.
On se pose déjà quelques questions devant la scène se déroulant dans la Corée ancienne et dans laquelle les acteurs, tous plus mauvais les uns que les autres, ont littéralement l’air déguisés. Si l’armée venue envahir le pauvre petit village évoque étrangement celle envoyée par Sauron dans Le Retour du Roi (dans la série « merci Peter Jackson », la séquence est saupoudrée de quelques grands travellings aériens), on reste tout de même bouche bée devant la qualité impressionnante des effets spéciaux et le bestiaire sophistiqué qui se dévoile sous nos yeux. Une chose est sûre, l’équipe d’effets spéciaux n’avait pas conscience de la bêtise profonde du scénario du film !
Retour vers le monde moderne : devenu adulte et journaliste, Ethan enquête sur de mystérieux accidents qui semblent liés à son histoire. Et là, tout s’enchaîne : facilités de scénario, invraisemblances, dialogues débiles… jusqu’à provoquer chez le spectateur, d’abord interloqué d’être à ce point pris pour un demeuré, une certaine hilarité.
Dans D-War: la guerre des dragons, quand un serpent géant fait tranquillement sa balade en pleine mégalopole, saccageant au passage un zoo, quelques maisons et un hôpital, personne ne remarque rien. Un jeune couple se fait agresser avant d’être écrabouillé au bord de sa piscine par l’énorme bestiole, et non seulement la voisine en bigoudis n’a rien vu, mais la police ne détecte rien d’anormal sur les lieux du crime.
D’ailleurs, lorsqu’un pauvre bougre tente d’avertir les autorités après avoir vu un éléphant se faire bouffer par le monstre, les flics n’hésitent pas à l’interner direct dans un asile psychiatrique, où le bonhomme se retrouve sous camisole de force. La population new-yorkaise de Cloverfied était tout de même plus réactive.
Il faut attendre quelques dégâts matériels, et accessoirement quelques dizaines de morts supplémentaires, pour qu’un vent de panique commence mollement à envahir les habitants de Los Angeles. Ce qui n’empêche pas le collègue (et faire-valoir) du héros, après avoir été attaqué par le serpent en pétard et par un guerrier aux pouvoirs surnaturels, de retourner tranquillement au bureau comme si de rien n’était. Conscience professionnelle, quand tu nous tiens ! Un journaliste consciencieux, donc, mais aussi un ami inconditionnel puisqu’il ne semble nullement en vouloir à Ethan d’être parti sans lui (mais pas sans sa copine) lorsqu’ils fuyaient leurs agresseurs !
Le hasard fait bien les choses
D-War: la guerre des dragons ne saurait se résumer à ces quelques absurdités. Selon le manuel du scénariste pour les nuls, lorsque survient la difficulté d’expliquer certains événements, il reste toujours un allié de taille : le hasard.
Ainsi, pour Ethan, le hasard fait décidément bien les choses. Dans son enquête tout d’abord puisque le jeune homme ne met que peu de temps à retrouver la femme qu’il est censé protéger. Car, comme on s’en doute, Sarah (c’est son nom) est non seulement américaine comme lui mais vit à… Los Angeles !
Par un heureux concours de circonstances, lorsque Sarah fait une déposition au poste de police suite à une agression, un collègue d’Ethan passe justement par là et la prend en photo. Ce comportement de harceleur permettra à notre héros de retrouver quelques heures plus tard le lieu précis où se trouve la jeune fille.
De même, le hasard fait décidément bien les choses lorsque le couple nouvellement formé – n’étaient-ils pas prédestinés à tomber amoureux ? – fuie la bête affamée et se fait systématiquement choper en voiture par un ami ou même un simple passant.
Un héros pas très féministe
Dans son souci constant de faire revivre l’esprit des téléfilms les plus ringards, Shim Hyung Rae met tout en œuvre pour réunir les clichés les plus éculés. Sur ce plan, la romance surpasse tout le reste, et de loin. Une fois n’est pas coutume, l’élu censé sauver l’humanité est de sexe féminin. Pourtant, si Sarah est investie d’un réel pouvoir, ce dernier s’avère en réalité être une belle vacherie.
Le principe veut en effet que la belle rende l’âme dès lors que son destin sera accompli. Et quel destin ! Celui-ci consiste à enfanter d’une sorte de boule d’énergie destinée à une créature extraordinaire… Plus machiste, tu meurs. Bien entendu, Sarah connaîtra l’amour en la personne d’Ethan, ce benêt tout droit sorti de Beverly Hills et qu’elle aimait dans sa vie antérieure. Soulignons que ledit garçon avait déjà fait preuve d’une belle mentalité 500 ans auparavant, en optant sans vraiment lui demander son avis pour un suicide à deux.
Investi d’une mission des plus glorieuses, celle de combattre le Buraki, Ethan n’a guère changé. Comme dans le passé, le jeune homme va tout faire pour sauver sa promise. Pour ce faire, il prend le contrôle total de ses moindres faits et gestes, la tirant par la main ou la posant sur une chaise selon les besoins. Notons qu’Ethan et Sarah prennent tout de même le temps d’aller flirter sur la plage avant d’aller combattre les guerriers du Buraki.
Invasion Los Angeles
Dresser une liste exhaustive des âneries qui jalonnent cette histoire rocambolesque reviendrait à y passer la nuit. C’est bien simple, le scénario semble avoir été confié à des gamins de 10 ans.
En revanche, les effets spéciaux, eux, ont été confiés à des personnes plutôt compétentes. Il est vrai que de nos jours, même un nanar se doit d’être à la page. Fini les filles qui hurlent devant des créatures en caoutchouc : les situations doivent avoir l’air vraies, aussi débiles soient-elles.
Pourtant, il faut attendre une bonne heure de bobine (et de balade de serpent dans la ville) pour que survienne la scène tant attendue, à savoir l’invasion de la ville de Los Angeles par l’armée du Buraki. Une scène qui a toutefois le mérite de tenir ses promesses en matière de spectaculaire et qui dépote littéralement.
Imaginez les montures volantes des Nazgûls, ou quelque chose d’approchant, se lançant dans des courses poursuites infernales avec des hélicoptères en plein Downtown. Ou un serpent géant s’enroulant autour d’un immense building, avant de se faire bombarder par des hélicoptères. Ou une armée de chars et de militaires américains s’opposant à une horde de créatures tout droit sorties de Star Wars Episode 1.
Le caractère insolite de la situation fonctionne et l’intégration des créatures frise la perfection, d’autant que le design comme les textures des bestioles s’avèrent plutôt sophistiquées. Shim Hyung Rae n’oublie pas de faire quelques pompages par ci par là – on pense ainsi à Independence Day lorsque des voitures voltigent dans une avenue.
Nous aurions aimé vous dire que le spectaculaire l’emportait sur la débilité du scénario. Malheureusement, l’action arrive beaucoup trop tard et s’étend sur une durée trop limitée pour faire oublier le reste. Il aurait peut-être mieux valu que Shim Hyung-Rae s’abstienne d’écrire ou qu’il se cantonne au minimum syndical comme l’avait fait Michael Bay dans Transformers.
En parlant du film de Michael Bay, un peu d’humour n’aurait pas fait de mal à ce D-War: la guerre des dragons qui se prend au sérieux sur toute la ligne, et ne parvient à faire rire que de manière totalement involontaire. Le gag, c’est cette histoire de légende, ces dialogues risibles, ces acteurs de douzième zone calamiteux (mention spéciale à Jason Behr).
Soulignons cependant que, après avoir tenté de nous faire avaler des couleuvres pendant près de deux heures, le réalisateur accomplit un bel acte de courage en signant son film avec un « written and directed by Shim Hyung Rae » apparaissant glorieusement au début du générique de fin. Il fallait oser.
Elodie Leroy
Article publié sur Filmsactu.com le 29 mai 2008