Ils n’ont visiblement pas été assez gâtés à Noël et ont décidé de faire passer un sale quart d’heure à leurs parents ! Ces enfants maléfiques vont vous faire trembler…

Comme l’ont fait des classiques tels que Le Village des Damnés (Wolf Rilla) et La Malédiction (Richard Donner), The Children explore une peur inavouable mais ô combien universelle : et si nos enfants étaient des monstres ? Sauf que les préoccupations ont évolué depuis les années 60-70 : évacuant toute portée politique ou religieuse, The Children s’intéresse à la difficulté d’être parent dans un monde en pleine mutation sociale, où la famille devient un concept étrangement flou tout en étant soumis à la culture de l’enfant-roi.

Insufflant une dimension angoissante rien qu’à travers son décor, Tom Shankland fait efficacement monter la tension avant de transformer ses enfants en tueurs glaçants et redoutables. A la fois divertissant et dérangeant, The Children n’enterrera pas les classiques du genre mais possède l’immense mérite d’aller jusqu’au bout de son idée perverse, en plus d’assurer le spectacle avec des scènes de tueries gratinées et – avouons-le – jubilatoires.

Du Village des Damnés au tout récent Esther, en passant par La Malédiction et sa relecture non officielle Joshua, la peur inavouable suscitée par l’existence du Mal chez les enfants demeure un thème récurrent du cinéma fantastique. Peut-être parce que chaque parent se cherche à travers sa progéniture, ou parce que celle-ci nous renvoie à la nature profonde de l’être humain, pas encore polie par l’éducation prodiguée par la société. Quoiqu’il en soit, The Children fait partie des réussites du genre.

Pourtant, après quelques images plantant le décor, une forêt froide, sombre et angoissante, The Children débute sans grande originalité : deux familles parmi lesquelles une tripotée d’adorables petits marmots et une adolescente un peu rebelle arrivent dans un chalet perdu au beau milieu de la forêt pour y passer les fêtes de Noël.

Très vite, l’ambiance se gâte : l’entente n’est pas au beau fixe au sein des couples, l’un des enfants manifeste une humeur étrange et l’adolescente prévoit déjà son évasion. Jusque là, rien qui ne vienne troubler la routine du genre, d’autant que la réalisation ne manifeste pas encore d’ambitions supérieures à celles d’un téléfilm.

Alors que la plupart des réalisateurs de slashers se précipiteraient pour introduire quelques giclées de sang, Tom Shankland prend le temps d’installer son atmosphère, de faire monter la tension, créant une sensation d’escalade à la manière du sympathique Eden Lake de son compatriote James Watkins.

Le premier acte accumule ainsi à l’écran à peu près tout ce qui peut momentanément faire de nos charmantes têtes blondes des sujets d’irritation (cris stridents, pleurs soudains, disputes inexpliquées, chocs répétitifs d’un objet sur un autre, etc.), prenant du même coup la peine de dessiner les personnages, de développer les relations entre adultes mais aussi le rapport de chacun à ses progénitures.

Portant un regard distancié sur toute cette troupe incontrôlable, The Children adopte judicieusement le point de vue de Casey (Hanna Tointon), l’adolescente qui n’est ni enfant ni tout à fait adulte et qui voit son beau-père comme un imposteur tout en décryptant avec lucidité le manège des petits.

La tension atteint son point culminant lors d’une scène de déjeuner marquante au cours de laquelle le film parvient à retranscrire la coexistence de deux mondes bien distincts, celui des enfants et celui des parents, et le pouvoir insidieux que le premier exerce sur le second. On pense alors furtivement au Village des Damnés, où les enfants agissaient aussi collectivement, communiquant entre eux en quelques regards pour manipuler les adultes à leur guise.

Cependant, si les enfants du film de Wolf Rilla évoluaient dans un système éducatif rigide et usaient de talents d’hypnotisme, en plus de prendre une dimension allégorique puisque le film fut réalisé en pleine guerre froide (en 1960), les enfants de The Children n’ont même plus besoin d’user d’une quelconque influence surnaturelle pour parvenir à leurs fins. Il leur suffit de tirer parti du sentiment de culpabilité permanent des parents engendré par la culture de l’enfant-roi. L’utilisation du phénomène comme métaphore politique disparaît du même coup (elle était déjà obsolète dans le remake du Village des Damnés par John Carpenter).

Le cinéma d’horreur d’aujourd’hui se veut davantage centré sur l’individu et plus particulièrement ici sur la remise en cause du concept de famille entraînée par les évolutions sociales de ces dernières décennies. D’ailleurs, si les films de genre des années 1960-1970 proposaient d’emblée une explication au comportement démoniaque des enfants (invasion extra-terrestre dans Le Village des Damnés, naissance du fils du Diable dans La Malédiction), les récents essais, dont The Children est un exemple éloquent, nous maintiennent le plus longtemps possible dans le flou quant à la source du Mal, reflétant la peur rampante de l’inconnu qui imprègne un monde en pleine mutation.

Soyons clair, The Children traite de la difficulté d’être parent aujourd’hui mais s’impose aussi et avant tout comme un vrai film de divertissement. Car dès lors que la première goutte de sang vient souiller la blancheur immaculée de la neige recouvrant le paysage, la guerre est ouvertement déclarée et le rythme du film s’accélère sensiblement, s’accompagnant d’un suspense haletant.

Tom Shankland va jusqu’au bout de son idée et propose quelques mises à mort vicieuses, des scènes procurant une sorte de plaisir coupable de par l’absence totale de tabou sur la violence encaissée par les enfants. L’idée paraît dérangeante sur le papier mais passe comme une lettre à la poste à l’écran, The Children évitant constamment de sombrer dans la « pornographie de l’horreur » qui gangrène les slashers de studio hollywoodiens (voir le récent reboot de Vendredi 13 qui propose environ une tuerie toutes les cinq minutes, à peine justifiée par un scénario indigent).

A ce titre, on ne pourra qu’admirer l’efficacité du montage de Tim Murrell, qui parvient à conférer sans trop en montrer à l’écran une violence viscérale à chaque impact, à chaque coup mortel, soutenu en cela par un travail sonore particulièrement percutant. Au bout du compte, le propos The Children entretient une ambigüité intéressante : jusqu’où les adultes seront-ils prêts à aller pour sauver leur peau ? Qui sont finalement les véritables assassins dans cette histoire ? Rendez-vous dans les salles obscures pour vous forger votre propre opinion sur ces questions.

Elodie Leroy

Article publié sur Filmsactu.com le 19 octobre 2009

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